Préface

Je tiens à préciser que l’écriture de cette préface s’est faite de façon antérieure à l’épreuve. En effet, ma Maman qui est une occasionnelle lectrice du blog reste effrayée à l’idée que je prenne le départ d’un triathlon distance XL. Pour ne pas lui créer d’inquiétude, j’ai préféré resté discret et ne pas m’étendre en écrivant un billet sur le sujet avant l’épreuve.

[Je fus néanmoins pris à mon propre jeu : une fois l’épreuve terminée, elle m’a avoué être au courant que je me lançais sur cette distance. En effet, elle savait que je venais à Embrun et en regardant le site de l’organisation, elle s’est aperçu que le 15 août il n’y avait qu’un Ironman et donc que je n’étais donc pas là par hasard…]

Cette préface fera donc office de genèse de cet Embrunman 2015.

Petit rappel des faits : fin janvier, je chute en vélo et me fracture le fémur. Malgré une reprise rapide de la natation et du vélo, je ne reprends pas la course à pied dans l’immédiat. Néanmoins je fais un footing en juin, un footing en juillet suivi d’un triathlon courte distance. L’idée de participer à l’Embrunman me traverse la tête. J’ai envie de vivre le départ de natation dans la nuit, la grimpée de l’Izoard mais absolument pas celle de finir par un difficile marathon. Je m’inscris alors 6 semaines avant la date fatidique du 15 août. Sachant que j’ai les kilomètres suffisants à vélo mais pas du tout à pied, je suis quand même conscient que j’ai à peu près une chance sur trois de ne pas finir l’épreuve.

Peu importe, après cet accident de début d’année j’ai appris à relativiser. L’abandon n’a rien de déshonorant et il vaut mieux abréger une épreuve qu’aller se blesser. J’ai donc pris le parti de rendre mon dossard à la moindre douleur. N’étant également pas partisan de la souffrance dans l’effort, je me suis dis que si je me mettais à marcher un peu trop longtemps ou au moindre signe de douleur, il serait alors temps de mettre le clignotant et d’abandonner. J’y vais donc sans réelle pression mais uniquement pour vivre une belle journée de sport. Et n’étant pas particulièrement fan de la distance XL, je me dis que dans le pire des cas il peut s’agir là d’une bonne bavante me permettant de me faire définitivement mon avis sur le triathlon longue distance.

En ce qui concerne la préparation de ce triathlon, j’ai avant tout nager pour le plaisir, rouler pour préparer des courses de vélo et des cyclosportives. Ma seule préparation spécifique pour cet Embrunman fut une préparation psychologique : accepter de courir 4 ou 5h – mon footing le plus long depuis 6 mois ne dépassant pas 1h15 – à une allure inférieure à une allure d’endurance fondamentale. J’y ai donc beaucoup pensé lors de mes quelques footing préparatoires.

Voilà pour la genèse de cet Embrunman. Si vous lisez ce texte, c’est que j’ai su rester raisonnable. Abandon ou Finisher, à l’heure où j’écris ces premières lignes je n’en sais encore rien mais la suite le dira…

L’avant course

Partis de Paris le mercredi matin, nous sommes accueillis chez Emmanuelle, notre hôte pour ces quelques jours à proximité d’Embrun. Nous sommes une petite délégation du club sur place : 5 sur l’Embrunman mais aussi 6 sur le triathlon courte distance et sur l’aquathlon.

Arrivés dans l’après midi, c’est l’occasion de récupérer les dossards et de profiter de l’ambiance qui règne à Embrun avec l’ensemble des festivités qui y sont organisées. Les journées précédents l’épreuve sont destinées à la découverte des lieux, à prendre nos marques et à encourager les athlètes alignés sur les autres courses (CD et Grand Prix entre autres).

Dossard embrunman

Je profite de l’avant veille pour reconnaître la première partie du parcours qui correspond à la boucle du CD (je me fais d’ailleurs enrhumé à vélo par Bertrand Billard qui gagnera quelques minutes plus tard l’épreuve), de la veille pour faire un dernier essai matériel et préparer mes affaires pour la course : vélo, affaires de running et sac de ravitaillement “Izoard” (dans lequel je glisserais deux sandwichs jambon fromage, un paquet de Tuc, un bidon d’eau et un boyau au cas où je crève sur la première moitié du parcours). Nous déposons nos vélos sous un déluge et scrutons une dernière fois la météo qui ne s’annonce véritablement pas fameuse.

Parc a velos embrunman

Un ultime plat de pâtes avant la dernière nuit où j’arrive à m’endormir relativement facilement malgré une petite pression montée au fur et à mesure de la journée.

Le matin de la course, le réveil sonne à 3h45 du matin pour une journée qui s’annonce très longue. Nous rejoignons le parc à vélo afin de déposer l’ensemble de nos affaires et de rejoindre le départ. Il est 6h du matin, nous sommes alors 1300 au départ, tous un peu dérangés dans un coin de notre tête pour nous lever aussi tôt afin d’affronter un tel parcours : 3800 mètres de natation, 188 kilomètres de vélo avec la montée du col de l’Izoard et 42 kilomètres de course à pied.

La Natation

Deux mots pour résumer cette natation : Trou Noir. Très franchement, à part l’arche de départ, je n’ai absolument pas vu où j’allais, me contentant de suivre la masse et de me repérer par rapport aux nageurs à droite et à gauche. Dès les premières longueurs, je peine à trouver un rythme correct. Ça bastonne, je prends quelques coups et de l’eau rentre dans mes lunettes, ce qui m’obligera à les repositionner une bonne dizaine de fois sur l’ensemble de la natation. Sans savoir où je vais et sans aucun repère dans la nuit, je suis le flow de nageurs. Au début de la deuxième boucle, le jour se lève, je jette un coup d’oeil sur ma montre qui m’affiche 33 minutes. Je me dis alors que je suis sur des bases de 1h05, ce qui était plus ou moins mon temps cible. Le deuxième tour est quand à lui plus tranquille, j’essaie d’allonger ma nage tout en commençant à trouver le temps long. J’aperçois enfin l’arche d’arrivée et sors de l’eau en 1h05 à la 240ème place.

Je prends alors le temps de me changer. N’étant pas une flèche en transition, j’estime qu’il vaut mieux perdre quelques minutes maintenant sachant que le vélo risque d’être long. J’enfile casque, lunettes, chaussettes, maillot de vélo, et mets k-way et ravitaillements dans les poches pour aller jusqu’au sommet de l’Izoard.

Le Vélo Partie I : avant le col de l’Izoard

J’enfourche mon vélo, allume mon GPS et moi qui avait basé une partie du vélo sur une gestion au capteur de puissance, je n’arrive pas à le connecter. Alors que 1h30 plus tôt il fonctionnait parfaitement, après une bonne dizaine d’essais pour le connecter rien n’y fait. J’abdique et me dis qu’il va falloir gérer à la fréquence cardiaque, chose qui me plaît beaucoup moins…Je ne sais pas si c’est ce manque de repères qui me joue des tours, mais j’ai beaucoup de mal à rentrer dans la course et réalise les 50 premiers kilomètres en dedans. C’est seulement après 2h de vélo que je retrouve enfin mes jambes. Heureusement d’ailleurs, c’est sur la très longue boucle de l’Izoard que je commence à mieux me sentir et à lâcher les watts dans la superbe route encaissée qui va nous amener au pied de la principale difficulté de ce parcours.

triathlon embrunman

Néanmoins, la route reste longue, et l’Izoard ne commence vraiment qu’au 85ème kilomètres. Une bruine légère fait son apparition, mais je préfère ne pas me couvrir pour ne pas transpirer. Les pentes se font alors vraiment sentir à une dizaine de kilomètres du sommet. Entre 7 et 10%, et malgré mes capacités limitées de grimpeur, je reprends plusieurs concurrents. Je veille néanmoins à ne pas monter trop en terme de fréquence cardiaque, 160bpm restera la cible, estimant que cela doit correspondre grosso modo à 320/330 watts avec les valeurs que j’ai en tête.

velo embrunman

A l’arrivée en haut du col, de nombreux supporters et bénévoles sont là pour nous accueillir. Je m’arrête pour récupérer mes sandwichs, mon bidon, enfile mon k-way et je laisse aux bénévoles le boyau que j’avais placé dans le sac “Izoard”, me disant que ça pourra toujours faire un cycliste heureux. Jusque là tout va plutôt bien, puisque je bascule dans la descente vers Briançon autour de la 50ème position.

Le Vélo Partie II : après le col de l’Izoard

La longue route vers la sous-préfecture des Hautes Alpes commence alors. La chaussée est humide, je reste très prudent et profite de ce moment de répit pour bien me ravitailler. Je fais la descente avec une concurrente féminine (Pauline, si tu me lis 🙂 ), avec qui nous échangeons quelques mots. Sauf que les bonnes choses ont souvent une fin. Dans Briançon, la route est en mauvais état. Je prends alors un trou et perce mon boyau arrière. Malgré tout, un semblant de pression subsiste dans mon boyau et je décide de continuer comme cela tant que ça reste roulable. Ça ne durera pas longtemps, une dizaine de kilomètres plus loin, je mets le clignotant et décide de réparer.

Premier essai avec une bombe de réparation, qui sera une véritable échec : Le liquide ira partout, sauf dans le boyau. Je décide alors de monter le boyau de rechange installé sous ma selle. Je regonfle puis repars sous le regard des arbitres tout en ayant perdu une dizaine de minutes et une quinzaine de place, mais surtout avec une épée de Damocles au dessus de la tête : il me reste alors près de 70 kilomètres à faire sous la pluie sans autre moyen de réparation. Et à ce moment je regrette fortement le boyau laissé en haut du col de l’Izoard. Autant vous dire qu’à partir de cet instant, j’ai commencé à très fortement serrer les fesses, essayant de bien regarder où je mettais mes roues et comptant kilomètre après kilomètre.

Il reste plusieurs difficultés à passer, comme la côte de Pallon, une rampe d’environ 2 kilomètres, toute droite à 10 ou 11% puis une route vallonnée qui nous ramène vers Embrun. Je commence à beaucoup gamberger, non pas par la difficulté du parcours mais par la hantise de crever une seconde fois d’autant plus qu’il se met à pleuvoir fortement. Je me dis néanmoins que si je rentre sur Embrun sans plus de problèmes mécaniques, ce sera un moindre mal et que j’arriverais bien à passer la dernière difficulté, la montée de Chalvet, même si je dois terminer sur la jante.

Finalement il ne m’arrivera pas plus de malheurs, il me reste encore des jambes et je reprends encore quelques places dans ce qu’on appelle “La Bête” (pourquoi ce surnom pour la côte de Chalvet, j’en sais rien…). Dans le finish de cette dernière boucle qui nous ramène sur Embrun, je reste très prudent. La route est humide et en très mauvais état. Après 180 kilomètres c’est le moment où la moindre erreur d’inattention peut être fatale. Je pose finalement le vélo en 6h52, réalisant le 53ème temps vélo de l’épreuve.

Le Marathon

J’arrive alors trempé dans l’aire de transition. Je change de chaussettes, prends 4 gels dans les poches et m’engage sur les 42 kilomètres de course à pied. C’est à ce moment là que je m’étais projeté le moment où la course commencerait vraiment. La question est de savoir jusqu’où je vais pouvoir aller, qu’à un moment ou à un autre je finirais bien par marcher et que je ne repartirais peut être jamais. Tout en sachant que je souhaite également rester dans un état physique décent et surtout ne pas me blesser, notamment du côté de ma hanche abîmée.

Le parcours est composé de deux boucles avec deux bosses par tour. Je parcours l’ensemble de la première boucle sans encombre. Je veille à bien me ravitailler, deux verres d’eau, bananes, abricots secs ou barres énergétiques à chaque zone de ravitaillement. Ça me permet également de ralentir pour mieux repartir. A chaque passage sur les tapis de chronométrage, je pense aux gens qui suivent les résultats en live, mais également à notre équipe de supporter sur place, venue nous encourager malgré la météo maussade. C’est d’ailleurs une source de réconfort et de motivation qui n’a pas de prix. Trouvant le temps long, je regarde trop souvent souvent ma montre qui m’annonce une allure entre 5′ et 5’30 au kilomètre.

A la fin du premier tour et au retour vers le parc à vélos, je commence à avoir un doute. J’aperçois des panneaux ‘km23’ puis ‘km22’ alors que je n’ai que 19 kilomètres à ma montre. Je me demande si par manque de lucidité je n’ai pas manqué un virage… Pendant quelques instants je m’inquiète avant de comprendre qu’il s’agissait uniquement de panneaux placés dans le mauvais sens. Gros ouf de soulagement !!!

Sans pouvoir dire que tous les voyants sont au vert, j’entame le second tour après un peu plus de 10h de course tout en commençant à avoir mal aux cuisses. Et bien sûr ça n’a pas raté : dans la première bosse qui monte dans Embrun, au kilomètres 26, les jambes disent stop. Je finis péniblement de rejoindre le centre ville, et les encouragements de l’ensemble des personnes présentes sur le bord de la route me rebooste. Je regarde également mon chrono et commence même à penser à un sub12.

marathon embrunman

Je pense surtout à tous les gens qui nous suivent sur place ou sur le livetrack, je pense à mes parents, je pense à l’état de lequel j’étais au mois de février, je pense au chirurgien qui m’a remis sur pied, je pense à cette souffrance que je me suis imposée en m’inscrivant ici, me disant que je suis aussi là pour en baver. Malgré cela, je continue à une allure raisonnable, et malgré quelques coups de mou, je garde le sourire. Si je suis là c’est parce que je l’ai décidé et que tout cela doit rester du plaisir (je me découvre même un petit côté masochiste dans cette aventure).

Je passe une dernière fois au dessus de la Durance avant d’entamer le retour vers l’arche d’arrivée. Je tente de maintenir une belle allure dans les 3 derniers kilomètres et lorsque je contourne le parc à vélos, je pense également à ceux auxquels ils restent encore un voir deux tours à parcourir. Encore quelques mètres de plaisir sur la moquette bleue (finalement les seuls réellement jouissifs de l’épreuve) pour boucler un marathon en 3h38 avant de passer la ligne d’arrivée en 11h44, 53ème au scratch sur 1071 arrivants.

Resultat embrunman

Le Bilan

Les conclusions à tirer après cette épreuve sont nombreuses, je vais donc aller à l’essentiel. Tout d’abord, je voudrais remercier toutes les personnes qui ont fait de cette Course ce qu’elle fût : les supporters sur place (mentions spéciales à Emmanuelle, Arielle, Julia, Sandrine, Cécile, Fred, Luc, Julien, Éric, Jean-Sébastien…), ceux qui ont suivis la course d’un peu plus loin (au risque d’oublier du monde, je ne citerai donc personne), les bénévoles, au comité organisateur et à l’ensemble des concurrents (là encore mentions spéciales à Jérémy – oublies pas que cette course je t’ai laissé la finir devant 😀 – , Cyrille, Julien, Frédéric et Raphaël).

Signaleurs embrunman

Ensuite, d’un point de vue sportif, j’étais venu pour prendre une bavante. À part être dure dans la tête au vue de la longueur de l’épreuve, j’estime finir relativement frais. A J+2, j’ai déjà envie de reprendre le vélo et les compétitions. J’y vois néanmoins là une certaine preuve de maturité qui m’a fait prendre conscience qu’il ne servait à rien de se mettre dans le rouge coûte que coûte uniquement dans le but d’aller chercher un chrono.

La dernière conclusion est enfin très personnelle. Je savais que je n’étais plus trop adepte de la longue distance, j’en suis désormais convaincu. L’effort en lui même ne me plaît pas plus que cela. Ayant encore la chance d’être relativement jeune, je veux faire marche arrière et revenir sur des longueurs d’effort plus raisonnables, plus intenses et moins solitaires. Quoiqu’il en soit, tout cela reste une super aventure à laquelle je reviendrai très certainement dans le futur.

 lac embrun